August Wilhelm Schlegel. Romantiker und Kosmopolit.

Jochen Strobel

Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2017

Voici une annonce digne de retenir l’attention de tous les staëliens.

Jochen Strobel, qui dirige à Marburg (Allemagne) une édition électronique de la correspondance de August Wilhelm Schlegel, vient de faire paraître une biographie de cet éminent représentent du Romantisme allemand.
Frère de Friedrich, August Wilhelm n’est certes pas un inconnu dans le monde des lettres. L’auteur s’appui sur un certain nombre de lettres issus du fonds de la Staats-und Universitätsbibliothek de Dresden (1). Une grande partie d’entre elles n’est pas tout à fait inconnue, mais il en propose un nouvel échantillon. Le public visé est principalement celui des germanistes, mais aussi celui des comparatistes de tout bord. L’auteur a exclu de son analyse Schlegel en tant que traducteur de Shakespeare et de Calderón.
Les staëliens vont s’intéresser en premier lieu aux rapports de Schlegel avec Mme de Staël. L’auteur réserve, d’ailleurs, une large place à l’indispensable ouvrage de Mme Jean de Pange (2)et, dans son commentaire, à des lettres publiées dans la Krise der Frühromantik de Josef Körner (3). On peut regretter qu’il n’ait pas mieux tenu compte, pour la partie littéraire, de l’étude Nagavajara (4), certes parue dans les années soixante du siècle dernier, mais qui reste toujours riche d’enseignements dans sa manière d’aborder l’impact de Madame de Staël sur Schlegel. Les échanges entre eux avaient avait pour cadre l’intimité des entretiens familiers et quotidiens de Coppet, entretiens auxquels il faut associer les noms de Benjamin Constant et Jean-Charles Sismondi (5).
Ce que l’ouvrage apporte de nouveau par rapport à ses prédécesseurs est loin d’être négligeable, même si cela n’est pas évident à première vue. L’ouvrage rend notamment accessible au public un échantillon de lettres en partie inédites, par exemple des lettres qui jettent un jour nouveau sur les relations que Schlegel a entretenues avec Schleiermacher, le théologien, relations peu connues hors d’Allemagne. Par rapport à August, son frère cadet Friedrich, a retenu l’attention de chercheurs plus portés sur les questions philosophiques, notamment celle de Ernst Behler, doyen des études romantiques et relatives à l’idéalisme allemand, auquel l’auteur fait souvent référence.
Ce petit ouvrage est, en somme, un résumé prometteur, en attendant que l’équipe de recherche entourant son auteur soit en mesure de procurer de nouveaux documents à l’occasion de la publication des prochains volumes de la Correspondance en attente. On attend particulièrement des éléments inédits concernant le conflit entre August Wilhelm et son frère à la fin de la vie de ce dernier. Au reste, l’ouvrage excelle dans les détails savamment présentés. Le rôle joué par Schlegel avec ses cours berlinois et viennois est, par exemple, très bien synthétisé. À ce propos, on attend toujours la sortie de l’édition des cours professés à Vienne, traduits par Mme de Saussure, la nièce de Mme de Staël. L’on sait, en effet, que Schlegel en a retouché le texte en maints endroits. Méritent une mention particulière l’analyse minutieuse consacrée à la Chanson des Nibelungen, l’épopée nationale des Allemands, ainsi que celle réservée aux traductions de langues romanes dans le cadre des Blumensträuße qui font suite aux Volkslieder de Herder (6). Détail pour la petite histoire, même le poème Rome, dédié par Schlegel à Mme de Staël en souvenir de leur séjour commun dans la capitale italienne n’est pas oublié.
On regrette cependant que la Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d’Euripide, plus polémique, n’ait pas retenu davantage l’attention de l’auteur. (7) Même la critique allemande de l’époque lui a réservé un accueil mitigé. La question romantique n’était pas encore à l’ordre du jour, alors que Schlegel visait aussi un public allemand à la veille de se découvrir européen.
En bref nous avons là une publication peut-être arrivée quelques mois trop tôt pour bénéficier des recherches les plus récentes sur De l’Allemagne. (8) Par ailleurs, l’auteur a trouvé les mots qui convenaient pour faire la part entre le littéraire et le politique. On aurait néanmoins attendu de voir spécifier davantage la part qui revient à Schlegel dans ses missives adressées à Bernadotte, prétendant malheureux au trône de France. Nous renvoyons pour un public allemand aux notes des Journaux intimes de Constant, seconde partie. Une sélection de ces notes a été a été publiée en allemand dans les années 1970 (9). Résumons-nous: une belle réussite qui pourrait bel et bien inspirer encore les comparatistes et les historiens à venir.

1.La version électronique est, depuis 2014, accessible sous l’URI, www.august-wilhelm-schlegel.de.

2.Madame Jean de Pange, August Wilhelm Schlegel et Madame de Staël, d’après des documents inédits, Paris, Albert, 1938.

3.Josef Körner, Krise der Frühromantik, Briefe aus dem Schlegelkreis, Brünn, Wien, , Leipzig, Rohrer, 1936-37.

4.Chetana Nagavara, August Wilhelm Schlegel in Frankreich. Sein Anteil an der französischen Literaturkritik, 1807-1835, Tübingen.1966.

5.Jean Simonde de Sismondi.

6.August Wilhelm Schlegel, Blumensträuße italienischer, spanischer und portugiesischer Poesie, Berlin, 1804.

7.Voir l’édition récente de Jean-Marie Valentin: August Wilhelm Schlegel, Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d’Euripide (et autres textes), Arras, Artois Presses Université, 2013.

8.Madame de Stael,De l’Allemagne, nouvelle édition, Champion, Paris, 2017.

9.Benjamin Constant, Werke in vier Bänden, vol 2, hrsg. Axel Blaeschke, Berlin, Propyläen Verlag, 1970.

 

Axel Blaeschke

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