Appel à contributions pour le Cahier staëlien n°68

Le numéro 68 des Cahiers staëliens (novembre 2018) sera consacré au "Groupe de Coppet et l'Angleterre". Les responsables lancent l'appel à contributions.

Malgré l’étude consacrée par Robert Escarpit en 1954 à L’Angleterre dans l’œuvre de Madame de Staël[1] et les travaux de Victor de Pange (notamment « Le rêve anglais de Mme de Staël[2] »), la question des liens entre le Groupe de Coppet et l’Angleterre mérite encore aujourd’hui d’être explorée. La réouverture du dossier anglais permettrait en premier lieu de faire la lumière sur la place qu’occupe l’Angleterre dans un Groupe de Coppet entendu au sens large, incluant, au-delà de la génération Staël-Constant, les Necker en amont et la « seconde génération » en aval. Albertine de Staël, duchesse de Broglie, ne publie-t-elle pas une traduction de la Lettre à Talleyrand du Britannique W. Wilberforce, d’ailleurs préfacée par sa mère ? Auguste de Staël n’est-il pas l’auteur méconnu des Lettres sur l’Angleterre[3] ?

À la suite de la vague d’anglomanie qui se propagea en France au XVIIIe siècle, le Groupe de Coppet s’inscrit dans la tradition qui fait de l’Angleterre le parfait exemple de la monarchie modérée et de la liberté constitutionnelle. À cette vision politique vient s’ajouter la reconnaissance d’un pouvoir de renouveau dans la littérature et les arts. Dans De la littérature, Staël fait l’éloge de la littérature anglaise, de Shakespeare à Richardson, en passant par Milton, auteurs qui seraient les héritiers d’Ossian, cet Homère du Nord. Dans De l’Allemagne, les acteurs anglais tels que Garrick ou Mrs Siddons transcendent leur patrimoine dramatique sur scène.

Cependant, à la suite d’Henri Grange, qui voyait dans les propos de Jacques Necker sur l’Angleterre un exemple de « wishfull thinking[4] » , fait d’aveuglement et de projections, ne pourrait-on pas interroger plus précisément l’image que construit le Groupe de Coppet de cet ailleurs outre-Manche ? Le but de ce numéro des Cahiers staëliens ne sera pas tant de traquer les erreurs des différents auteurs quant aux réalités anglaises, que de mettre en lumière les processus de re-création à l’œuvre, les décalages possibles entre l’expérience personnelle du pays vécu (éducation, poste, rôle politique) et le discours produit, le pays raconté. Par quels biais – traduction, adaptation, fiction, correspondance – les auteurs du Groupe de Coppet rendent-ils compte de leurs expériences anglaises ?

Comment l’Angleterre devient-elle d’une part un modèle de ce qu’aurait pu être la France post-révolutionnaire, et donc un outil dans le champ de l’analyse historique et politique ? Comment l’esthétique anglaise sert-elle un discours qui vise à souligner la sclérose des arts français, imprégnant ainsi l’analyse esthétique d’une portée polémique ? Comment, d’autre part, cette image se trouve-t-elle elle-même confrontée à la réalité anglaise ? La publication des deux derniers volumes de la Correspondance générale[5] montre le travail de l’imaginaire staëlien à l’épreuve de la réalité. Il ne s’agit plus de rêver la douce Albion, mais d’y vivre – tension parfaitement résumée par James Mackintosh dans son journal : « Elle admirait les Anglais au milieu desquels elle ne pouvait supporter de vivre[6] ».

Pour éclairer les relations que le Groupe de Coppet entretient avec l’Angleterre, les axes suivants pourront faire l’objet d’une attention particulière :

– politique : l’image des institutions anglaises ; le « modèle anglais » et ses limites ; l’Angleterre, pays de la liberté ou « geôlier de la France » ?

– sociologie, économie : enseignements de voyage (Necker, Staël, Constant, etc.) ; l’Angleterre dans la Correspondance staëlienne, entre idéalisation et déception ; lumière sur Lettres sur l’Angleterre d’Auguste de Staël (1829) ; Sismondi et Adam Smith

– littérature, esthétique : quelle(s) Angleterre(s) dans la fiction ? ; le traitement de l’esthétique théâtrale anglaise au sein du Groupe de Coppet

– linguistique, traduction : les auteurs de Coppet et la langue anglaise ; les citations anglaises dans les textes ; les traductions de l’anglais (Schlegel, traducteur de Shakespeare, Albertine de Broglie, traductrice de Wilberforce, etc.)

 

Les propositions de contributions sont à envoyer avant le 15 décembre 2017 à l’adresse cahierstaelien68@gmail.com.

Les auteurs des propositions retenues seront contactés le 15 janvier 2018 par les responsables du numéro (Laura Broccardo, Aline Hodroge et Blandine Poirier).

Les articles devront être envoyés pour le 15 juin au plus tard.

Par ailleurs, ce Cahier staëlien comportera une partie « Varia », soumise aux mêmes conditions de calendrier.

 

[1] Robert Escarpit, L’Angleterre dans l’œuvre de Mme de Staël, Paris, M. Didier, 1954.

[2] Victor De Pange, « Le rêve anglais de Mme de Staël », Mme de Staël et l’Europe. Actes du Colloque de Coppet de 1966, Paris, Klincksieck, 1970, p. 173-192.

[3] Auguste De Staël, Lettres sur l’Angleterre, Paris, Treuttel et Wurtz, 1825.

[4] Henri Grange, Les Idées de Necker, Paris, Klincksieck, 1974, p. 312.

[5] Germaine De Staël, Correspondance générale, tomes VIII (« Le grand voyage », 23 mai 1812 – 12 mai 1814) et IX (« Derniers combats », 12 mai 1814 – 14 juillet 1817), Stéphanie Genand et Jean-Daniel Candaux (dir.), Champion-Slatkine, 2017

[6] Cité par R. Escarpit, p. 15